FUTURE Days du campus de Versailles : interview croisée d'Éric Dumont et de Zoubir Khatir
Lors de la tenue des FUTURE Days sur le campus de Versailles le 16 février prochain, vous ouvrez au public les portes de vos laboratoires PICS-L et SATIE, pouvez-vous nous présenter en quelques mots vos équipements et la nature de vos travaux de recherche qui y sont menés ?
Éric Dumont : Les recherches menées au PICS-L sont très pluridisciplinaires. Nous développons des connaissances et des outils pour observer, comprendre, et améliorer la mobilité individuelle des usagers des routes et des rues : les automobilistes mais aussi, et de plus en plus, les modes actifs et les véhicules automatisés.
Nos travaux font donc la part belle à l’expérimental, et nous nous appuyons sur un important parc d’équipements scientifiques, qui sont pour nous des outils indispensables pour la collecte de données, mais aussi des objets de recherche. Nous développons et exploitons quatre familles d’équipements complémentaires : des bancs de mesure des propriétés optiques des équipements de la route, des dispositifs de vision par ordinateur pour suivre les trajectoires et caractériser les conditions météo et lumineuses qui influent sur les comportements, des véhicules instrumentés et robotisés pour collecter des données sur route ou sur piste, et des simulateurs immersifs pour collecter des données en laboratoire.
Zoubir Khatir : les activités du SATIE sur Versailles ont pour thème général la durabilité des composants électroniques de puissance. Nous nous intéressons en particulier au vieillissement des composants semiconducteurs de puissance vis-à-vis des stress électriques et thermiques qu'ils peuvent voir dans leurs applications.
Il s'agit notamment des composants à base de nouveaux matériaux semiconducteurs tels le nitrure de galium (GaN), le carbure de silicium (SiC) et dans une moindre mesure le diamant (C) qui sont prévus pour remplacer le Silicium (Si).
Ces composants sont au cœurs des systèmes de la transition énergétique que ce soit pour les transports (véhicules électriques, trains, ou avions plus électriques) ou encore les énergies renouvelables (éolien, photovoltaique…). Dans cette logique, les équipements du labo à Versailles constituent une plateforme cohérente dédiée à l'étude du vieillissement.
En quoi les transitions des villes et des territoires vous ont-elles incités à diversifier vos champs de recherche ?
É.D : Le PICS-L est un laboratoire de recherche appliquée. Historiquement, nos thématiques de recherche étaient au service de l’exploitation et de la sécurité routière, avec des focus complémentaires sur les équipements de la route et du véhicule.
Motivés initialement par le déploiement des systèmes de transport intelligents et connectés, puis par l’évolution des modes de déplacement (la promotion des modes actifs, l’annonce des véhicules automatisés), nous avons fait le choix de cultiver l’interdisciplinarité pour aborder les questions complexes que soulèvent la mobilité dans des villes et des territoires en transition.
Z.K : Ces transitions n'ont fait que mettre en exergue les technologies liées à l'électrification des systèmes qui leur sont nécessaire. Aujourd'hui, les besoins nécessités par les transitions nous incitent à prolonger notre réflexion vers les problèmes liés aux interfaces imbriquées énergie-habitat-véhicules, depuis les micro-systèmes EnR à intégrer dans le paysage urbain pour la mobilité et l'habitat jusqu'aux bornes de recharges qui sont un des éléments nécessaires pour réussir la transition énergétique.
Concrètement en quoi vos travaux sur les simulateurs PICS-L nourrissent-ils les réflexions en matière de mobilité dite « sobre » ?
É.D : Les défis imposés par les transitions (numérique, démographique et énergétique) appellent des solutions innovantes (souvent technologiques, mais également réglementaires). Les plateformes de simulation que nous développons sont au service des études et recherches qui visent à concevoir et évaluer ces solutions.
Elles permettent d’observer les comportements et les interactions des différents usagers de la route et de la rue dans des situations expérimentales qu’il serait impossible d’organiser sur le terrain (pour des raisons techniques ou de sécurité, mais aussi de répétabilité), à condition de s’assurer que les observations issues de la simulation sont valides.
Nos travaux sur les simulateurs se situent sur ces deux plans : l’évaluation de la fidélité des simulateurs en amont, et l’évaluation de solutions pour améliorer la mobilité en aval. Pour être concret, je vais prendre deux projets de recherche qui illustrent notre contribution, par la simulation, à l’émergence de solutions pour une mobilité « sobre ».
Il y a quelques années, dans le cadre du projet européen EcoDriver, nous avons développé un jeu sérieux basé sur un simulateur de conduite destiné à promouvoir l’écoconduite chez les automobilistes, et nous l’avons déployé à l’occasion d’évènements grand public (le salon de l’auto, la fête de la science), ce qui a permis de collecter une grande quantité de profils de conduite.
Plus récemment, dans le cadre du projet ANR franco-allemand PedSiVal, nous avons évalué la validité de notre simulateur immersif de traversée de rue en observant des comportements de piétons de tous âges en situations « réelles » (sur piste) et simulées, et proposé des évolutions qui le rendront plus pertinent pour les futures recherches sur les piétons.
Vos recherches portent notamment sur la durabilité des composants électroniques de puissance installés dans les différents modes de transport, quelles perspectives pour des mobilités décarbonées ?
Z.K : Un des enjeux de la mobilité décarbonée est qu'elle puisse être soutenable compte tenu des défis immenses qu'elle pose en termes d'approvisionnement en matériaux critiques.
En complément aux solutions essentielles qui peuvent être apportées par la "sobriété" des mobilités et des approches d'économie circulaire (recyclabilité, réparation, réutilisation…), notre contribution de nature technologique, ne peut être que plus modeste. Ainsi, au-delà de la durabilité des composants, qui doit permettre de réduire la demande en matériaux et composants en allongeant les durées de vie des matériels, nous menons actuellement des réflexions prospectives, voire des actions émergentes, autour du sujet de l'éco-conception des composants électroniques, ainsi que la recherche de matériaux alternatifs moins critiques dans les composants.