Optimiser la consommation d’énergie du système de dégivrage d’une ligne de métro
Moins de perturbations sonores, moins de vibrations. Le choix d'un métro circulant sur des pistes en béton offre une meilleure adhérence, permettant ainsi une optimisation des temps de trajet, surtout sur des parcours de voies exigeants. Cependant, un léger inconvénient se présente : pendant les mois d'hiver, le givre réduit l'adhérence des pneus sur les portions extérieures de la voie. Ainsi, il est nécessaire de pouvoir chauffer la piste à certains moments, tout en minimisant la consommation d'électricité. Ceci nécessite une compréhension approfondie de la réponse thermique de la structure.
Pour en explorer les caractéristiques, l’industriel Siemens a cherché à bénéficier d'une expertise scientifique bien en amont du début des travaux. "J'ai été sollicité dès 2012, bien avant la formation de l'équipe conjointe I4S avec Inria," témoigne Jean Dumoulin, chercheur à l’Université Gustave Eiffel.
La collaboration avec l’industriel s’effectue en plusieurs étapes. La première, la modélisation, est essentielle. "Il est crucial de comprendre parfaitement le comportement du système dans son environnement. Nous sommes confrontés à deux situations distinctes. Une partie de la voie est au niveau du sol, tandis qu'une autre traverse un viaduc. Nous devons donc prendre en compte une variété de phénomènes".
Cette phase d'étude soulève de nombreuses questions, notamment sur la dissipation thermique, le nombre et l'emplacement des sources de chauffage, ainsi que sur un élément crucial : le cycle de chauffage. "Il est nécessaire de prendre en considération l'inertie du matériau et la diffusion à travers la masse. La simple activation et désactivation rapide du chauffage, comme c'est pratiqué dans d'autres domaines, ne présente que peu d'avantages. Bien que cela puisse sembler intéressant du point de vue de la consommation électrique, du point de vue thermique, cela a peu d'impact en surface de la voie", ajoute-t-il.
En 2013, l’équipe de chercheurs a effectué une première présentation de leurs travaux à Siemens. "Nous avons utilisé un modèle simplifié qui nous a permis à la fois d'approfondir nos connaissances et de détecter des problèmes de recherche potentiels. Pour l'entreprise, cette présentation représentait également une opportunité de tisser des liens, de commencer à collaborer avec une équipe scientifique, d'évaluer nos compétences et notre valeur ajoutée pour leur projet.".
À cette même période, l'équipe I4S était en plein essor et commençait à explorer divers axes de recherche. "En 2014, nous avons lancé le projet Cloud2IR, axé sur la surveillance d'un bâtiment par thermographie infrarouge. Notre objectif était de progresser dans la conception de systèmes de surveillance génériques pour les structures extérieures en combinant des capteurs environnementaux et la thermographie. Nous ressentions le besoin d'approfondir nos outils pour obtenir des données plus précises.". L'année suivante, Siemens a pris la décision de construire une voie expérimentale de 100 mètres sur le site de la piste de référence du campus de Nantes.
En 2015 également, I4S a lancé une thèse portant sur le concept des routes solaires, où des cellules photovoltaïques alimentent des pompes permettant des échanges de chaleur par circulation d'eau.
Au début de l'année 2019, une nouvelle étape est franchie : "Siemens nous a demandé de concevoir une preuve de concept en recherche pour l'implémenter dans le métro de Rennes. L'objectif est de développer un logiciel capable d'agréger les mesures de température effectuées sur la voie, puis d'interroger les données du modèle Arôme de Météo France pour calculer une prédiction des besoins en chauffage pour la voie au sol et la voie en viaduc sur plusieurs heures."
Grâce à ces résultats affichés sur un écran dans le poste de contrôle, l'exploitant pourra alors décider du moment optimal pour allumer le système de chauffage. Passer d'un prototype de laboratoire à une preuve de concept sur une ligne de métro en exploitation représente un changement d'échelle significatif. Tout le travail de développement visant à passer d'un prototype de recherche à un logiciel de qualité industrielle, atteignant un niveau de maturité technologique TRL6/TRL7, a été réalisé grâce à l'expertise terrain de l'Université Gustave Eiffel, héritée de l'ancien Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, ainsi que grâce au soutien d'Inria Tech, puis du SED (Service expérimentation et développement) d'Inria.