Une dynamique de solidarité et d’entraide pour faire face à la précarité étudiante
Hausse des loyers, flambée des prix de l’alimentaire et des transports : les étudiants déjà lourdement pénalisés par la pandémie doivent aujourd’hui faire face à l’inflation et à une situation économique particulièrement difficile. Selon la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), le coût de la rentrée 2022 pour un étudiant aurait ainsi bondi de 7,38%1. Conséquence : des postes de dépenses tous revus à la baisse dont l’alimentaire et la santé. Plus inquiétant, plus d’un étudiant sur deux ne mangerait pas à sa faim2. Depuis quelques mois, les épiceries solidaires et les distributions alimentaires se développent dans l’Hexagone mais l’Université Gustave Eiffel n’a pas attendu pour se saisir du problème.
Un réseau de solidarité initié lors du COVID
« Au début de la crise sanitaire la Vice-Présidence Étudiante et le Service de la Vie Étudiante ont lancé une vaste enquête pour sonder les difficultés et les besoins des étudiants. Ce premier travail d’analyse a abouti à la création du répondeur téléphonique UGELINE et a permis de révéler la réalité de la précarité étudiante afin d’entamer une réflexion sur les moyens à mettre en place » explique Amélie Douzil. « La crise sanitaire a marqué les prémices d’une dynamique d’entraide à l’échelle de l’université, poursuit Nathalie Serpaut, assistante sociale. Un réseau solidaire s’est instauré entre les services et un important bouche-à-oreille s’est développé entre les étudiants qui ont fait et font encore preuve d’une grande résilience. »
Cette dynamique de collaboration s’est traduite par de nombreuses actions : distribution de tickets d'aide alimentaire, prêts d‘ordinateurs, distribution de 775 chèques numériques délivrés par la Région Île-de-France, de chèques multi-services de 10 euros pour lutter contre la précarité menstruelle offerts par la CPAM de la Seine-et-Marne et de 300 casques USB avec micro financés grâce à une subvention de la CAF de Seine-et-Marne... « En 2021 nous avons aussi lancé une grande collecte alimentaire organisée par le Service de la Vie Étudiante. 275 étudiants par semaine ont pu en bénéficier entre mars et décembre. Pour assurer la logistique et l’accueil nous avons eu recours à une dizaine d’emplois étudiants » relate Amélie Douzil. « Pour ces derniers, cela constitue souvent un apport financier non négligeable et un engagement dans un réseau d’entraide et de solidarité » ajoute Nathalie Serpaut.
Les associations en soutien
Pour venir en aide à ses étudiants, l’université a noué de nombreux partenariats avec le Crous de Créteil, l’association de lutte contre le gaspillage alimentaire Linkee financé par la Région Île-de-France ou encore les Restos du Cœur comme le rappelle Amélie Douzil : « Ouvert en janvier 2022, le centre Eiffel étudiants assure deux distributions hebdomadaires. 140 étudiants en moyenne en sont bénéficiaires chaque semaine, ce qui équivaut au passage annuel de plus de 5 700 personnes et pas moins de 52 000 repas servis. À cela s’ajoutent Epifree, une association qui distribue les invendus du Crous, et l’épicerie solidaire Campésienne basée au rez-de-chaussée de la résidence universitaire de l'EAV&T depuis février 2022. »
« Il n’y a pas de véritable solidarité ni de partage sans préserver la dignité de chacun »
Alimentation, logement, habillement, loisirs, vacances... La précarité étudiante prend de nombreuses formes et se répercute à chaque échelon de la vie quotidienne. Nombreux sont les étudiants en situation de difficultés qui sont notamment dans l’incapacité de partir en vacances. Afin d’y remédier le service social et le service des sports de l’université ont permis à 15 étudiants de partir en vacances au ski. « Sur évaluation sociale et entièrement financé par la Contribution de la Vie Étudiante et de Campus (CVEC), ce séjour aura été l’occasion pour certains de découvrir un nouvel environnement et de nouvelles activités sportives, le tout dans un contexte où chaque étudiant est traité sur un même pied d’égalité, sans distinction de statut social ou économique » explique Nathalie Serpaut. « Il n’y a pas de véritable solidarité ni de partage sans préserver la dignité de chacun. Les étudiants n’ont d’ailleurs pas besoin d’être en situation précaire pour s’inscrire dans les réseaux d’entraide mis en place à l’échelle de l’université » poursuit-elle.
« Au cœur de nos actions, il y a aussi une démarche de développement durable, » ajoute Amélie Douzil évoquant les ventes solidaires de septembre 2022 et février 2023 organisées à la Maison de l'Étudiant (MDE) en collaboration avec la Mission du développement durable et de la responsabilité sociétale (DDRS) de l’université et les associations Campus Market et NoisyLiens. « Les étudiants auront pu y trouver des vêtements mais aussi de la vaisselle ou du petit mobilier à bas coût. »
Outre ces dispositifs déjà mis en place, l’année 2023 devrait voir la création de pass tiers-lieux. « Ils permettront d’accéder à six espaces de coworking dans les départements de Seine-et-Marne et de Seine-Saint-Denis » conclut Amélie Douzil.
1 Source : https://fage.org/ressources/documents/4/7954-DP_CDR2022_FAGE.pdf
2 Source : Résultats de l'étude de COP1 sur les étudiants en situation de précarité
Une exposition pour « mettre un visage sur la précarité étudiante »
Du 23 au 27 janvier s’est tenue au bâtiment Copernic sur le campus de Champs-sur-Marne (77) une exposition photographique consacrée à la thématique de la précarité étudiante. À l’initiative du projet : Sadia Kossangue, une étudiante de 21 ans en 3e année de licence cinéma à l’Université Gustave Eiffel. « Cette exposition constitue l’un des trois axes d’un projet artistique plus vaste qui aborde la précarité et l’isolement en milieu étudiant. Elle prolonge un travail initié avec le tournage en novembre 2022 d’un court-métrage intitulé Portrait d’une Femme sans Visage et la création d’ateliers-portraits qui se sont tenus de mai 2022 à janvier 2023. Lors de ces ateliers, les étudiants étaient invités à venir témoigner de leur situation de précarité. Au fil des interviews, j’ai remarqué qu’il y avait quelque chose dans leur regard. Se dévoiler, trouver une écoute solidaire allumait une lueur presque enfantine dans leurs yeux. Et c’est ce regard que nous avons cherché à capturer avec nos photos, raconte l’étudiante. Ce sont elles qui ont été exposées en janvier dernier aux côtés de peintures et de citations extraites des interviews vidéo. »
« À travers cette exposition, il y avait pour moi la volonté de faire voir autre chose de la précarité étudiante. Mettre un visage derrière les statistiques, grâce au médium artistique » poursuit Sadia. « L’exposition a été très bien reçue par les étudiants. Certains nous ont témoigné leur soulagement à constater qu’ils n’étaient pas les seuls à vivre une situation difficile. Lors du vernissage nous avions invité des associations partenaires dont les Restos du cœur ou le service d’écoute nocturne Nightline. Ils se sont présentés aux côtés du service d’action sociale et de la mission égalité de l’université rappelant leurs rôles ainsi que les aides mises à disposition des étudiants. »